
Edition originale d’Alcools, avec le portrait d’Apollinaire par Picasso
Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule
Des troupeaux d’autobus mugissants près de toi roulent
L’angoisse de l’amour te serre le gosier
Comme si tu ne devais plus jamais être aimé
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Ahora caminas por París solo entre la muchedumbre
Rebaños de autobuses mugientes ruedan cerca de ti
La angustia del amor te aprieta la garganta
Como si nunca más debieras ser amado
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Apollinaire, Zone, Alcools 1913
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Il me l’a dit. Un gars d’origine orientale indéfinissable, après avoir essayé de saluer un homme noir qui n’a pas voulu lui serrer la main, comme il me l’avait dit auparavant. On ne peut pas dire que son interlocuteur avait été froid. Il était une heure du matin et la fermeture du métro frappait à la porte, le dégrée de méfiance est proportionnel à l’heure de la nuit.
J’ai répondu à sa salutation, quand ça a été à mon tour, bien que je savais que, si je n’avais pas été sobre comme je l’étais, je l’aurais aussi évité. Il n’a rien dit après ma riposte, il ne cherchait pas non plus à entamer une conversation. Il se plaignait de l’incapacité des gens à s’ouvrir et parler, mais il n’aurait pu Parler, parce qu’il se plaignait à ce moment là , à ce propos. Oui, c’était comique dans le fond, contradictoire, mais surtout comique, ou comique parce que contradictoire, dans tout cas j’ai ri.
Il a traversé les voies du tramway et, au feu, il s’est retourné pour me crier fort et clair, en articulant et sans accent : Soit un homme ! Et il m’a ensuite oublié, pour toujours, je suppose.
Je ne pourrais dire que je n’ai pas entendu, ça a eu la vertu d’être clair comme de l’eau, mais sans être insipide. L’arrière goût était là, incontournable, mémorable et nu, la remise en cause, un peu de peur, un peu de lumière; la mère qui te gronde et pince ton oreille, par hasard, amorphe, et s’en va, ayant laissé sa morale ancrée en nous, indélébile comme son amour ou comme le hasard de cet ivrogne du début du lendemain.
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